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L’hospitalité 

Disposition ou obligation ?

Dans nos précédentes séries[1] nous avons pu traiter de la notion de la notion de don et l’échange mais également des conditions de la « vie bonne[2] » et nous avons pu faire intervenir la notion d’hospitalité.

Si la notion de don à été interrogée au plan collectif et systémique, nous avons pu voir que le fait de donner engendrait des bénéfices tant pour celui qui donne que pour celui qui reçoit, posant ainsi des conséquences individuelles et collectives.

Nous avons également pu évoquer la notion d’hospitalité dans le cadre de rencontres et de l’accueil de l’altérité que l’on réserve à une personne en se fondant sur l’éthique Lévinassienne[3].

Néanmoins, ces termes semblent flous et que  le don a surtout été pensé sous la forme anthropologique chez Mauss [4]comme régulateur des sociétés archaïques et qu’il vient mettre à mal  la notion  de « l’Agapè » au profit  d’un échange et ou d’un contre don (Potlach) nous avons du le repenser chez Claude Levi-Strauss[5] en ce qui concerne les alliances afin de l’appréhender sous un aspect plus systémique[6] .

Ainsi la question de la rencontre et de l’accueil que l’on réserve à : « L’étranger » en dit long, sur notre propre communauté, notre personnalité et le rapport que l’on entretien à l’égard de soi-même.

Cet étranger, non seulement nous demande d’accepter notre propre part « d’étrangeté » en nous-même mais nous met également face à notre propre code culturel être sociaux contrariant ainsi parfois nos envies et nos désirs.

L’accueil que l’on va réserver à cet « hôte » va définir si une rencontre[7] possible ou pas, je n’accepte pas Autrui mais que je suis contraint par réciprocité à l’égard de ma communauté de lui offrir l’hospitalité, puis je créer la possibilité d’une rencontre ?

Afin de poursuivre notre réflexion je vous propose une histoire fictive, afin d’illustrer ces propos.

En des temps anciens, un groupe de penseurs se rassemblèrent afin de discuter du sort des barbares. Les discussions voguaient sur des questions de lois, tant morales que juridiques, devrions nous refaire la constitution ? Comment percevoir ces étrangers qui viennent « voler » notre pain blanc ?

Certains des convives s’interrogèrent sur ce qui avait été fait dans d’autres pays et discutèrent longuement de ces enjeux. Une fois les débats terminés, tous retournèrent à leur objectif, à savoir la perspective d’une orgie afin de célébrer leur brillants esprits et pour parfaire la fête et ainsi mettre en pratique une des théories qu’ils avaient élaboré l’un deux eu l’idée de convier un « étranger ».

 Ils virent un vieillard aux rides profondes et à la barbe blanche, ses cheveux étaient à moitié blanc et parsemé de jaune qui avaient l’air de les observer. 

Ils se sourirent mutuellement et par l’échange de quelques regards l’un d’eux se lança à sa rencontre :

-« Souhaitez-vous vous joindre à nous ?

-Avec plaisir ! .

Alors sachez, que vous ne serez pas invité, vous pouvez diner avec nous mais vous payerez votre part[8] »

Analysons ensemble, les différents concepts et attitudes dans cet exemple.

On constate d’un côté que pour le vieillard, cela ne pose pas de problème car cela faisait longtemps qu’il errait seul dans cette ville et l’opportunité d’échanger avec de jeunes gens le toucha même s’il ne comprit pas très bien l’intention de ce monsieur.

D’un autre côté, nous avons par l’énonciation un mouvement contradictoire, à savoir la différence entre :

 « Être convié » et « être invité », si le fou du roi[9] est toujours convié car il a un rôle particulier, il est également invité car il fait partie de la cour or dans notre exemple rien ne laisse présager les intentions.

Nous pouvons nous douter, que celui qui formule « l’invitation » le fait par obligation, comme une contrainte ou bien d’un premier contact avec « l’étrangeté » et ainsi s’adonner à une petite expérience afin de distraire sa communauté.

 Sémantiquement, si il ne s’agit en aucun cas de créer les possibilités d’une rencontre de la part de celui qui propose,  le vieillard peut avoir pitié de son « hôte » car il a une expérience de la vie et le fait de répondre  « Avec plaisir » démontre également une forme d’accueil et d’empathie à l’égard de cette  « douleur » dû à la contrainte que le groupe exerce sur lui.

 Cela arrive souvent, de ressentir la souffrance d’Autrui, de fait la tendance naturelle à désirer le bien être de son prochain, pousse ce vielle homme à « rentrer dans le  jeu » même si il n’en connait pas les règles.

Ainsi, à l’heure où les rapports humains et sociaux souffrent d’une absence de consensus, nous avons déjà une distinction claire grâce à l’énonciation de l’agent monétaire.

Si nos repères de bienséances jadis ont disparu, heureusement, l’argent est là pour nous ramener à « l’ordre ».

Et dans notre exemple précis, le fait de parler d’argent avant même de créer les possibilités d’une rencontre nous pousse à envisager l’invitation non comme une offrande mais comme une dette.

De plus, par la terminologie adoptée, on peut se rendre compte que nos deux personnages n’ont pas grand-chose en commun, car s’il y a de la curiosité et de l’empathie d’un côté, on peut ressentir un certain mépris dans le vocabulaire adopté de l’autre côté.

S’adressant à un vieillard en haillons, en présupposant qu’il n’a pas d’argent afin sa démarche vise surtout l’aval de sa communauté par le biais de rituels mais également par ce biais lui offre la possibilité  de se glorifier lui-même de son propre pouvoir.

La question de la dette est donc positionnée ici à l’égard de sa communauté, évidement et comme on s’en doute le vieillard restera sur son trottoir et les grands penseurs pourront se glorifier de leurs puissances et de leurs appartenance face à la médiocrité que représente l’ensemble du « reste » de  la communauté humaine[10].

Ce qui est intéressant dans cet exemple c’est qu’il fait intervenir le concept moderne « d’agent monétaire » afin de réguler les interactions avec son environnement et préserver sa caste tout en mémé temps reproduisant les modes de fonctionnement des sociétés archaïques.

Si l’homme est toujours divisé entre le besoin d’individualité et d’appartenance, lorsque l’on pose la question de l’hospitalité, de quoi parlons-nous au juste ?


[1] Dans : « Questions de vie », Radio Ecclesia

[2] Sénèque, de la vie Heureuse, GF et Aristote, Éthique à Nicomaque, GF

[3] Éthique et infini, Fayard

[4] L’essai sur le don, PUF

[5] Les structures élémentaires de la parenté, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales 

[6] Les chasseurs cueilleurs ou l’origine de l’inégalité,       Alain Testart, Folio

[7] Au sens lévinassien

[8] La part maudite, Georges Bataille, classique Garnier

[9] Le neveu de Rameau, Jacques Diderot, GF

[10] C’est actuellement ainsi que va notre système de reproduction des vulnérabilités, mais nous en discuterons lors d’une prochaine série.

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