Une réflexion afin d’apprendre des erreurs engendrées par le grand débat sur la notion d’identité nationale, j’en appelle à liberté de chacun.
La période actuelle met en avant les doutes sur la notion de démocratie mais comment y répondre sans faire l’économie d’une réflexion sur l’existence des droits et s’approprier une connaissance de notre sytème gouvernemental , de ses services, ses ministères, ses bureaux ? Connaître les acteurs de notre société civile ne serait t’il pas nécessaire ?
Le travail de , Catherine Tourette – Turgis est un exemple dans le domaines de la santé et des vulnérabilités mais qu’en est t’il des autres ministères et autres champs d’actions ?
De tous ceux pour qui pour des raisons sociales économiques ou territoriales n’ont pas accès à ces informations et aux leviers d’actions ?
Comment leur demander de pouvoir exercer leur droit de votre et d’être un « bon » citoyen face à une ignorance de fonctionnement de notre système et des lois qui le régisse? Pouvons nous être « une société démocratique » sans la participation active des citoyens ?
Cette volonté est pourtant présente, le cri des gilets jaunes en est un exemple néanmoins nous somme encore confronté à la difficulté de répondre à la question : « Qu’est ce qu’être citoyen ? » Comment cela s’incarne t’il dans un état de droits ?
Pourquoi ne pas s’approprier ces questions et mesurer les connaissances de notre entourage sur ces questions? Pour les parents c’est une invitation au débat philosophique ! Pour les entreprises cela peut être une opportunité d’interroger leurs valeurs, leur raison d’être et leur apport RSE!
Pour les associations et les acteurs de terrains l’occasion d’un partage de vos actions qui incarne la démocratie dans un état de droits?
Désolée mais ma professeur d’éducation civique m’a inculqué la passion des questions de citoyenneté garce à son cours d’éducation civique et m’a appris que l’on avait des droits !
Alors que résolument oui c’était affiché partout il y avait même des numéros gratuits mais vivant dans une petite ville du sud pour y accéder cela devait passer par :
trouver un bus (lorsqu’il y en a) , puis prendre un train , puis trouver un lieu et s’entendre dire qu’il n’y a pas d’association existante ou encore d’aller voir un avocat qui accepte l’aide juridictionnelle…
Plus tard j’ai fait la rencontre de Francois Chouquet prof de philosophie en DAEU , à Paris 7 Il m’a démontré par son engagement au près du public carcéral et des sans papiers, qu’une société civile existe bel est bien malgré ses disparités.
Puis j’ai assisté à la plusieurs conférences et séminaires dans le cadre de mes études persuadée que la mutilation des disciples était la seule façon de comprendre la systémique de ma problématique , j’ai alors souhaité poursuivre mon travail de recherche dans le cadre d’une thèse mais là encore cela demandait une approche pluridisciplinaire or je n’était pas sociologue et ayant un niveau master je n’ai pu rejoindre la seule école a l’époque qui pratiquait cette approche.
Alors que pendant le même temps je voyais l’université s’effondrait et les laboratoires petit à petit fermé , je comprenais pas pourquoi chacun préfère garder sa case au risque de la voir et mourir plutôt que d’ouvrir le champ de la recherche.
Aujourd’hui encore , j’enchaîne les constats d’impuissance face à des restrictions et des problèmes structurels et humains.
Ma question n’est donc pas tellement de me battre pour réaliser mon objectif mais plutôt de comprendre comment nous avons pu arriver la ..
Si Alexandre MALAFAYE nous en dit plus sur modèle de la démocratie e basée sur une division l’ impuissance des acteurs majeurs de notre société ne fait renforcer le fausse entre les textes et leur application comment alors penser une société instituante ?
voir Paul LÖWENTHAL
Afin de répondre a cette question analysons le constat Philippe Caumières car il ne s’agit pas tant de se battre contre mais voir de collaborer afin d’être des sujets institués afin d’honorer la mémoire de mes professeurs.
Suite aux précédentes émissions sur le thème de l’acceptation je vous propose un exercice de philosophie pratique.
Tout comme le sport on va entraîner nos corps, nos pensées, écouter nos émotions afin de répondre à cette affirmation :
« Je n’accepte pas : je me sens dépossédé… »
Partons dans cette quête de soi-même en explorant philosophiquement le corps et comment il nous aide à la pensée..
Ce sentiment peut intervenir à de bourbeuses occasions, lorsque une situation fait écho à des émotions, sentiments et peut induire des projections.
Comment alors regarder ce qu’il se passe en nous ?
Que nous dit le corps ?
Que révèle t’il de nos émotions ?
De la présence de souvenirs ?
Dans l’immédiat le corps nous donne des indices afin d’agir sur notre ressenti mais pour modifier sa vision il sera nécessaire d’interroger ce que cette sensation révèle de soi même, de sa relation au corps, aux émotions à son histoire ..
Se rendre compte de comment elle nous impacte à la fois individuellement mais également dans notre rapport à l’autre.. Comment elle modèle notre perception des situations, interprète les réactions d’Autrui..
Elle va nous dire si l’on entretien un bon rapport avec lui et nous donner l’occasion d’agir avec lui afin de les réguler tout comme le flux de tes pensés..
Qu’est ce que se sentir dépossédé ?
Qu’est ce que cela nous indique ?
Immédiatement le premier réflexe n’est t’il pas de reprendre « contact » soit l’acceptation de son corps, son âme, son cœur et donc ses pensées ?
De retrouver un nouvel entraînement ?
La prochaine thématique de la chronique Questions de vie portera sur la Responsabilité, à savoir de quoi suis je responsable ?
La philosophie est une discipline assez peu pratiquée en France, en dehors des écoles et des universités. Agathe, consultante en philosophie depuis une dizaines d’années nous propose ici de découvrir ou de redécouvrir les subtilités de la philosophie. Découvrez le point de vue de cette passionnée, autour de cette science de la pensée… Temps de lecture : 6 min – Partagez votre avis à la fin de l’article 🙂
1) Est-ce que tu pourrais te présenter et nous raconter quel est ton parcours ?
Je m’appelle Agathe Vidal et suis consultante et formatrice spécialisée en philosophie. Très tôt, je me suis intéressée à cette science et ai eu envie de la rendre accessible au plus grand nombre. Après un master 2 de recherche en philosophie, j’ai commencé à travailler en France, aux États-Unis puis je suis partie en Belgique pour enseigner cette discipline.
Que ce soit dans des lycées, dans des institutions ou dans une prison, chaque individu à la capacité de travailler sa pensée. En 2008, j’ai fait le choix d’enseigner la philosophie à des personnes incarcérées. L’enjeu était de développer des contenus et outils méthodologiques permettant une transmission philosophique. Accompagner la réflexion d’une autre manière autour d’une des oeuvres de Bergson, afin qu’ils puissent redevenir sujet grâce au texte et ainsi retrouver une forme de liberté.
« C’est finalement une succession d’évènements, de rencontres et d’échanges avec mes élèves qui m’ont orienté vers l’entrepreneuriat. »
Avant de créer ma société L’Institut Cogito en 2017, j’ai travaillé plusieurs années dans le domaine privé en parallèle de mes activités de recherche et d’enseignement. C’est finalement une succession d’évènements, de rencontres et d’échanges avec mes élèves qui m’ont orienté vers le choix de l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, je propose des formations sur mesure, des ateliers et des évènements permettant à chacun de s’approprier l’éthique et la philosophie.
2) Quels sont les enjeux et les challenges pour faire découvrir la philosophie ?
Je dirais essentiellement le fait de m’adapter à tous les publics pour que la philosophie soit accessible à tous les niveaux. Cela m’anime au quotidien, devoir s’adapter aux personnes, à leur histoire et à leur formation initiale en leur apportant des outils pour travailler leur pensée.
« Les grecs anciens considéraient qu’il n’était pas possible de travailler sa pensée sans tenir compte du développement physique. »
En plus de la création de formation, j’organise des stages qui allient la philosophie et la pratique d’activités sportives. Les grecs anciens considéraient qu’il n’était pas possible de travailler sa pensée sans tenir compte du développement physique. C’est donc un double défi à savoir, la création d’offres sur mesure avec le souci de contenus spécifiques et la volonté de promouvoir la philosophie.
3) Qu’est-ce qui te motive le plus dans ton activité au quotidien ?
L’émerveillement ! Ce moment d’arrêt où l’on découvre sa propre réflexion par l’effet du thaumazein ou le fait de s’étonner, d’éveiller sa pensée. Si par exemple à la fin d’un débat, de nouvelles perspectives de pensées s’ouvrent, c’est alors que le thaumazein a réussi à activer les bons leviers.
Il y a aussi l’apprentissage continu à travers la triple écoute de son discours intérieur, celui d’Autrui tout en étant dans une optique de construction et de ce qui est compris par les intervenants. Parfois, on oublie que l’autre n’est pas soi et qu’il ne demande qu’à être compris pour ce qu’il est dans sa singularité. Ainsi, développer notre capacité d’analyse et de compréhension mutuelle est une opportunité qui prend forme dans la rencontre !
Pythagore a dit : « La philosophie est la mère de toute les sciences ». Et lorsque l’on saisit l’importance de la philosophie dans la constitution de notre histoire et de notre culture, nous ne pouvons plus penser sans elle. Ainsi, ce constat lors de mes activités à savoir pouvoir observer à quel point nous avons tous besoin de la philosophie vient confirmer mon engagement.https://www.instagram.com/p/B6MIORjgy5m/embed/captioned/?cr=1&v=12&wp=1080&rd=https%3A%2F%2Fmouz.fr&rp=%2Finspiration%2Finterview-travailler-sa-pensee-philosophie%2F#%7B%22ci%22%3A0%2C%22os%22%3A2951%2C%22ls%22%3A2726%2C%22le%22%3A2949%7D
4) Comment fais-tu pour trouver un équilibre entre ton activité professionnelle et tes projets personnels ?
Je considère que les deux sont imbriqués. Ce sont deux facettes d’une même pièce. Je suis la même personne dans ma vie personnelle et professionnelle et j’ai réussi à trouver un certain équilibre parce qu’il y a du sens dans ce que je fais. Assez jeune, j’ai découvert la philosophie. Elle apparaît aujourd’hui pour moi un peu comme une boussole, en orientant ma façon d’être et de faire.
Lors de notre entrée en première année de philosophie, je me souviens qu’un de mes professeurs m’avait dit : « vous ne gagnerez pas beaucoup d’argent et aurez peu de possibilité de carrière ». Dès le début de mon cursus je savais alors que je devrais créer mon activité. Surtout si je voulais permettre à chacun d’accéder aux bénéfices de la philosophie tout en vivant de ma passion.
5) Est-ce que tu considères qu’apprendre à mieux se connaître est bénéfique pour mieux vivre ?
Peut-être que la question à se poser serait « à quel point je me connais ? ». Et plus globalement, « connaître la vérité est-ce essentiel pour mieux-vivre ? ». Si cela peut parfois nous apporter des réponses, cela nous amène à évoluer en permanence tout en se demandant « est-ce qu’il ne faudrait finalement pas vivre dans l’insouciance ? ».
« La philosophie est la seule science qui se questionne sur elle-même. »
La capacité à devenir un sujet pensant n’est pas chose facile même si tout le monde la possède en soi. Acquérir un esprit critique demande un certain engagement et réussir à pouvoir penser par soi-même est un travail au quotidien. On a tous la capacité de penser par soi-même, libre à nous de l’activer.
6) Dans ton quotidien, qu’est-ce qui t’aide à prendre les décisions justes et à avoir confiance en toi ?
Je me dirige dans la vie en fonction de mes objectifs et de mes valeurs en me demandant « qu’est-ce qui est conforme à mes valeurs ? ». En philosophie, l’éthique représente la construction des valeurs et se distingue de la morale. Pour ce qui est de la justesse de mes décisions, je ne sais pas si elles sont toujours justes mais en tout cas, je fais en sorte qu’elles soient conformes à mes principes et à mes objectifs.
Au fond, avoir la capacité à m’étonner moi-même face aux défis de l’existence, c’est ce qui me donne de la confiance et de la motivation. Prioriser certaines valeurs vis à vis des objectifs est un choix et les deux sont pour moi liés. Car pour accomplir ce qui m’anime, je souhaite respecter mon éthique personnelle.
La philosophie est la seule science qui se questionne sur elle-même. Elle se remet en permanence en question et c’est ce principe que j’essaie d’appliquer lorsque je prends des décisions.
7) Pour continuer à évoluer sur le plan personnel et professionnel, quelles sont tes aspirations ?
J’ai besoin de continuer à apprendre, à me former et à rester dans cette optique de découvertes permanentes pour me sentir épanouie. Quoi que je fasse à l’avenir, je sais que j’apprendrai autant dans ce que je réussirai que dans ce que j’échouerai.
« Partager les outils de la philosophie pour qu’ils deviennent accessibles à tous afin que chacun puisse développer son esprit critique. »
Mon ambition d’œuvrer pour faire découvrir la philosophie pourrait se développer sous de nouvelles formes et dans d’autres structures. Avec des personnes qui diffuseraient ce message. Partager les outils de la philosophie pour qu’ils deviennent accessibles à tous afin que chacun puisse développer son esprit critique.
8) À toutes les personnes qui découvrent ton parcours de vie et qui cherchent à construire leur propre chemin, qu’aimerais-tu leur dire ?
Je pense qu’il faut croire en ses idéaux. C’est tout à fait possible d’atteindre ses objectifs mais il faut s’en donner les moyens. Cela implique une confrontation au réel tout comme le fait d’apprendre à mieux se connaître. Savoir faire la différence entre son ambition, ce que l’on souhaite réaliser et ce qui sera utile : « qu’est qui dans mon idéal aidera et/ou sera utile aux autres ? ».
Parfois, il faut accepter d’échouer pour atteindre notre objectif un peu plus tard et savoir revisiter sa stratégie. Il est également important de ne pas négliger l’environnement dans lequel on évolue.
À travers l’allégorie de la caverne, Platon nous questionne justement là-dessus. « Est-ce que je préfère rester dans l’obscurité de ma caverne, ou est-ce que j’en sors et je prends le risque d’une rencontre avec la lumière ? ». Si la philosophie permet de travailler sa pensée, c’est bien à chacun d’explorer et de trouver ce qui a du sens pour soi, et pour les autres.
➡️ Avant de terminer, j’aimerais te proposer le jeu du portrait chinois ! C’est un jeu littéraire qui permet d’en savoir plus sur ta personnalité. Prête ? 🎭
Si tu étais un animal tu serais ? Une cigogne 🕊 pour prendre de la hauteur et garder l’équilibre.
Un super héros : un super-plombier 🔧 avec une boîte à outils philosophique.
Un super pouvoir : rendre discrètement les gens heureux 😌 sans qu’ils s’en rendent compte.
Un défaut : perfectionniste 🤷🏻♀️ cela implique parfois de ne pas être comprise.
Une qualité : idéaliste 💭 cela aide à imaginer le monde et à trouver des solutions.
Et la citation qui te caractériserait le mieux ?« On ne peut pas résoudre un problème avec les modes de pensées qui l’ont engendré. » Albert Einstein
Un livre à conseiller aux lecteurs qui souhaitent s’initier à la philosophie ? Le roman philosophique « Le monde de Sophie » de l’écrivain Jostein Gaarder.
Nous découvrons ici le parcours d’Agathe Vidal, consultante en éthique et philosophie, fondatrice de l’Institut Cogito et de Philo and co…
Etudes, lectures, projets… Voici son témoignage !
Pouvez-vous vous présenter ? Que faites vous actuellement ?
Aujourd’hui je me forme de façon plus spécifique en didactique de la philosophie en Belgique, afin d’étudier les différents modes d’enseignements de la philosophie, son rapport aux autres disciplines et son impact dans tous les secteurs où la philosophie est présente.
Ce choix s’est imposé afin de répondre à la question de la place de la philosophie et de ses moyens de transmissions.
Lorsque j’enseignais à mes élèves, ils trouvaient que trois heures par semaines ce n’était pas suffisant, et ils s’indignaient de l’exigence des épreuves face au manque de moyens pour se familiariser avec la discipline. Ils percevaient les liens avec les autres disciplines mais déploraient le fait de l’apprendre en dernière année et de n’avoir aucun cadre pour le faire.
C’est ainsi que j’ai commencé à créer des ateliers de philosophie.
Jusque-là, mon expérience des ateliers de philosophie se limitait à ceux de L’AGSASS et ceux réalisés avec le GENEPI.
Ainsi le site Philo and co servait surtout à la création d’ateliers de philosophie pour mes élèves, puis d’autres personnes sont venues régulièrement, ainsi le site a été l’occasion d’organiser des évènements pour des associations.
C’est dans ce contexte que la demande d’un roman initiatique « Se manquer » s’est présentée, ce qui a été l’occasion de riches rencontres et d’échanges qui n’ont fait que confirmer le besoin pour chacun d’avoir un espace pour pratiquer la philosophie et se familiariser avec les auteurs, les thématiques philosophiques mais aussi s’interroger sur le rôle et les pratiques de la philosophie au sein de la Cité.
C’est dans cette perspective qu’en 2017, que j’ai fondé l’Institut Cogito afin qu’il existe une structure permettant à qui le souhaite (entreprises et particuliers) de se former et d’être accompagné dans sa quête philosophique.
Le principe est de réaliser des formations sur mesure mais également des événements et accompagnements de façon à donner à tous l’opportunité de se familiariser avec la discipline.
Quel souvenir gardez-vous de vos études ? De vos professeurs ?
A l’époque ou je passais la Licence, on me faisait régulièrement la réflexion de l’utilité de la philosophie dans un monde capitaliste, ma réponse était « qu’étudier la philosophie ne me donnerait probablement pas l’argent pour vivre mais m’offrirait le luxe de l’épanouissement ».
Les études à mon époque me semblent donc surtout être une chance, à l’heure des réformes actuelles mais également de la construction de nouveaux types d’enseignement (en ligne) et des restrictions budgétaires des laboratoires.
J’ai eu la chance d’avoir des professeurs pour la plupart aussi brillants que passionnés et si à l’époque c’était une opportunité par l’accès, elle l’était surtout en ce qui concerne les moyens (sociaux et intellectuels) pour profiter pleinement du savoir de nos maitres et en comprendre les intentions.
Quel est le livre de philosophie qui vous a particulièrement passionné ? L’auteur pour qui vous avez eu un véritable coup de foudre ?
On peut dire que Levinas m’a particulièrement passionné en particulier son éthique du visage, où il qualifie l’accès au visage, comme d’emblée éthique :
C’est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleure manière de rencontrer autrui, c’est de ne même pas remarquer la couleur de ses yeux !
Pouvons nous parler d’attention du visage ? Certainement pas, il s’agit certes d’être d’attentif mais à quelque chose qui nous dépasse tout en nous reliant. Sans pour autant rentrer dans l’aspect mystique de ce texte, ne serait ce pas, par cet « accès » que devrait commencer toute nos interactions avec autrui ?
Et sur la forme de nos interactions, la troisième partie du troisième chapitre de L’être et le néant :
Regarder le regard d’Autrui, c’est se poser soi-même dans sa propre liberté et tenter, du fond de cette liberté, d’affronter la liberté de l’autre.
Parler de la relation comme d’un rapport sujet-objet m’interpelle tout autant aujourd’hui que le jour ou j’ai lu ces pages et c’est peut-être pour cela qu’il s’agit d’auteurs qui ne me quittent jamais avec Kant, Merleau-Ponty.
Au-delà de cet attachement profond c’est la rencontre avec Égard Morin, n’a fait que confirmer mon intuition, par son approche en particulier dans le tome VI, de « la méthode, l’Éthique “, et la pensée complexe.
Avez-vous déjà essayé d’écrire ? Pourriez-vous nous parler de vos créations ?
J’ai commencé mon expérience de l’écriture à 13 ans, à cet âge, ou j’ai écrit mon premier roman « social ».
Depuis ce jour j’ai développé un fort appétit pour les sciences humaines et sociales, et dévorais les livres de psychologie surtout en cours de maths avant de me plonger dans les ressources philosophiques (et ne plus jamais m’en défaire).
Plus tard, adolescente je réalisais des exercices à partir de concepts pour passer le temps dans ma province natale, puis lorsque je me suis installée à Paris j’ai continué à écrire (roman, réflexions, poèmes et aphorismes…) et ai écrit un autre roman sous forme de réflexions en parallèle de mes études en philosophie.
Le récit philosophique a pris une place importante comme réponse à la demande d’un public qui souhaite se familiariser avec la philosophie tout en faisant l’expérience de la réflexion et c’est dans cette perspective que j’ai publié « Se manquer » et souhaite publier d’autres romans initiatiques.
Entretien avec la philosophe et auteure Agathe Vidal sur les sources de l’inégalité Femmes-Hommes et les voies, éducatives et « managériales » notamment, pour la réduire.
La Revue Civique : Une tribune, publiée par le journal Libération, s’élevait contre l’inégalité dont sont victimes les femmes dans le « monde de la philosophie » auquel vous appartenez. Constatez-vous cette inégalité en ce secteur et quelles en sont les principales causes ?
Agathe VIDAL : Au niveau historique, l’inégalité trouve sa source dans une tradition universitaire, dont il serait intéressant d’interroger les influences; en France, l’entrée des femmes dans l’enseignement supérieur s’amorce en 1861 (1). Nous pouvons ainsi prendre en compte l’influence des Jésuites et de l’ordre des Ursulines au début du XVIème, et la mixité au XXe siècle (2), à savoir ce qui a façonné les esprits et les mentalités dans le monde universitaire, c’est une évolution lente et progressive.
L’université, en plus de créer un nouvel essor à visée démocratique, a du construire un nouveau monde académique qui a du s’affranchir de certains dogmatismes qui le faisait vivre jusqu’alors. Les questions propres aux hommes et aux femmes n’étaient pas centrales dans la mesure où, d’une part, l’institution devait s’affirmer en tant que telle face à une forte empreinte historico-culturelle chargée et que, d’autre part, ces questions étaient tributaires de l’évolution des mœurs.
C’est avant tout les inégalités scolaires, dénoncées par Bourdieu (3), qui peuvent apparaître comme une des causes nous permettant de comprendre de façon plus large cette question. En effet, Simone de Beauvoir aurait-elle pu passer l’Agrégation sans une condition sociale privilégiée ?
Dans un second temps, il serait intéressant de savoir si cette inégalité serait le propre de l’institution universitaire ou si elle touche de façon plus large le monde du travail ? Si tel est le cas, quel type de poste ? Nous retrouvons ici l’idée d’une société de classe, où la question de l’inégalité dont souffrent les femmes pose par ricochet une problématique plus large. Étant confrontée à des inégalités issues d’une empreinte historico-culturelle mais aussi sociale, une femme comme un étudiant possédant « les codes » aura plus de chances d’avoir accès à un poste car son insertion pose problème dans tous les domaines relavant de fonction dites « masculine », autrement dit les fonctions de pouvoir et non uniquement le monde de la philosophie.
Nous voyons donc, en ce qui concerne le secteur académique, que nous avons un double mouvement pour l’institution: celui d’accepter les femmes comme étudiante, de coexister en tant qu’étudiants sans pour autant prendre en compte leurs différences et leurs qualités, leur demandant de s’adapter à un «code» masculin, résultat de l’échec des années soixante-dix (4).
Par conformisme, il s’agit de suivre les désirs et le modèle masculins
Les conséquences de cette mixité n’ont pas été anticipées et nous voyons par exemple chez les jeunes, par exemple sur des questions de sexualité qui arrivent plus tôt, que les jeunes filles apprennent par des vidéos ou des magazines comment satisfaire un garçon mais n’ont aucune connaissance de leur propre corps. Agissant par conformisme, il s’agit de suivre les désirs et le modèle masculins, de savoir plaire à un âge ou les besoins de s’affirmer et d’être accepté est plus fort que d’être respectée.
Il n’est donc pas étonnant de retrouver ces mêmes systèmes de pensées sur les bancs de l‘université, les mœurs évoluant plus lentement que les parcours féminins, tout comme dans les autres sphères où il est question de partager une représentation du pouvoir, dont sont habituellement dotés les hommes.
La question de l’équité reste centrale, qu’elle soit sociale ou disciplinaire, tant qu’un seul modèle domine et qu’au lieu de s’affirmer on s’y soustrait, les inégalités peuvent sereinement s’accentuer et se développer; ce qui se comprend dans une société où se donner les moyens d’affirmer ses différences, c’est prendre le risque d’être marginalisé.
Cela est-il le propre d’un type de secteur ou l’égard de certains postes connotés à « domination masculine » ? Une coiffeuse ou une boulangère subit-elle le même type d’inégalité ? La réponse nous engage à comprendre la force des représentations dans l’inconscient collectif et nous demande à en interroger le sens. En ce qui concerne plus particulièrement le monde la philosophie, il serait intéressant de se demander si cela concerne uniquement la philosophie ou toutes les filières universitaires ?
Si la philosophie aussi à son histoire, et ce n’est pas tant un problème de guerre des sexes que de mathématique. Quantitativement, il y a très peu de postes et outre les problématiques évoquées ci dessus, nous pouvons voir qu’historiquement elle aussi a dû se battre, pour conserver un espace qui n’est (il faut se le rappeler) toujours pas acquis, relayée au champs des sciences dites « molles ».
Une discipline qui se retrouve marginalisée
Actuellement, tout porte à croire, qu’elle est en train de disparaître, que cela soit dans l’enseignement général par la filière « humanités », dans la recherche (de moins en moins de fonds attribués), on regroupe les laboratoires: par conséquent, il est urgent de comprendre que le problème n’est pas une question de sexe mais bien de la place de la philosophie dans le pays des Lumières. Cette discipline, qui faisait la force de notre pays, se retrouve aujourd’hui marginalisée.
Après avoir fondé les savoirs, chez les Grecs anciens, constitué un socle d’apprentissage, participé à la création d’autres disciplines, elle se retrouve aujourd’hui mise à l’écart de l’école, réduite à une peau de chagrin dans le système actuel et sous forme de divertissement dans l’espace public. Ainsi réduite dans ses moyens et menacée dans ses fonctions, on peut se demander s’il n’y a pas une inégalité de la philosophie comparée aux autres savoirs.
Néanmoins, par quels types de mesures, selon vous, le problème général de l’inégalité Femmes- Hommes dans le champ professionnel peut-il être réglé, au moins partiellement et progressivement ?
C’est dès le plus jeune âge, que la question se pose : dans la prise en compte des différences biologiques et de ses besoins, que cela soit en termes d’organisation que d’information, une jeune fille doit-elle être pénalisée car une fois par mois elle a son cycle ? À son retour à l’école, elle sera confrontée au regard des autres enfants, la prévention et la façon dont on intègre les aspects biologiques dans le parcours des jeunes sont donc primordiales pour sa vie de future professionnelle, il s’agit de s’interroger sur la façon dont chacune peut vivre sa féminité et la place que l’on lui accorde.
En termes de mesures, comme pour n’importe quelle inégalité cela passe d’abord par l’éducation des enfants, de l’individualité de leurs besoins et des moyens que l’on met en place pour les comprendre en leur laissant un « droit de cité »: que cela soit à l’école ou en famille, c’est dès le plus jeune âge qu’il est nécessaire de penser des mesures concrètes afin de construire la société que l’on souhaite. Il ne s’agit pas ici de polémiquer sur le rose ou le bleu, mais de réfléchir aux moyens qu’on offre pour que s’établisse cette mixité: est-ce que les espaces sont adaptés ?
« Laisser à chacun(e) la possibilité
de s’affirmer en tant qu’individu «
Si la prévention est nécessaire pour les filles est-ce également le cas pour les garçons ? À travers les mêmes sources ou plutôt adaptés en fonction des besoins de chacun ? Qu’est-ce que l’on choisit de transmettre à ces jeunes pour qu’ils puissent s’affirmer dans leur singularité ?
En termes de mesure concrète, nous pouvons envisager, comme le souligne Edith Maruéjouls, une acceptation des différences dans l’espace public : « À partir de l’entrée au collège, l’accès aux équipements de loisirs devient restreint pour les filles » (5). Encore une fois, il s’agit d’une quête d’équité afin de laisser à chacun la possibilité de s’affirmer en tant qu’individu.
Ainsi, cela demande non plus de nier nos différences afin de correspondre au modèle dominant mais de les affirmer, en développant une empathie à l’égard de nos incompréhensions et prendre le risque de ne pas être comprise. La tolérance est primordiale dans ce long processus de création de codes communs. Si nous souhaitons la création commune d’un code commun, il serait également intéressant de prendre en compte les modes d’expression et de communication mais aussi des savoirs être et des usages dans la reconnaissance de chacun.
Au niveau du monde professionnel, il y a actuellement une tendance à imposer la présence des femmes, dans les entreprises – Club Med, SNCF (6) – par le biais de quotas qui relèvent d’une vision selon moi assez dangereuse autant pour celle qui est recrutée que pour ceux qui seront amenés à travailler avec. En effet, cela demande d’adhérer au principe que son embauche est le résultat d’une contrainte économique (car son embauche est due au fait qu’elle soit femme et non parce qu’elle a les qualités pour le poste): ainsi, elle ne peut pas être légitime pour ce poste. Au-delà du caractère discriminant d’être embauchée en raison de son sexe et non pour ses qualités professionnelles, ce type de mesure illustre une vision limitée de l’humain et de son potentiel…
Penser de l’intérieur des équipes et non l’inverse
Comme pour toute révolution, cela risque de prendre du temps, mais l’enjeu est de taille, il s’agit avant tout de se donner les moyens de penser de l’intérieur de ses équipes et non l’inverse. Il s’agit de ne plus penser par des mesures externes aux individus (imposées par la force) mais de partir du principe que chacun a des ressources nécessaires et que c’est bien l’ambivalence entre nos forces et nos faiblesses qui fonde l’interdépendance et la force d’une équipe. Il ne s’agit pas de percevoir un changement par des règles provenant de l’extérieur mais de penser ensemble la création d’un code commun, basé sur la confiance de l’humain dans l’affirmation de ses différences accompagnant l’évolution des mœurs.
Pour commencer, pourquoi ne pas commencer par assumer ses différences au lieu de se caler sur un modèle masculin ? Affirmer son type de management mais aussi une autre vision du travail, de ses objectifs qui n’est spécifiquement dû à son sexe mais pensé en termes d’apport individuel. Ainsi, la question de la complémentarité, de l’apport de chacun et des valeurs d’équipes pourraient prendre forme.
Au lieu d’imiter les « anciens » codes, pourquoi ne pas faire émerger un nouveau discours, partager son langage afin d’établir ensemble des mesures spécifiques à chaque équipe ? Pourquoi ne pas évoluer ensemble et faire de nos différences des forces ?
Vous voyez déjà ici le caractère ambitieux du projet, qui consiste à en reconnaître chaque membre individuellement mais aussi à prendre en compte les systèmes de management actuel qui ne cesse de se transformer: pourquoi ne pas mettre au centre la valeur de l’humain ? Si actuellement les codes masculins prédominent n’est-ce pas dû au fait que les codes féminins ne se sont pas affirmés ?
Penser la complémentarité, passe par l’affirmation des différences. Cela sous-tend également, une vision commune un désir de partager des objectifs, tout en respectant son mode de travail. Ainsi, partiellement et à moyen terme, dans le milieu professionnel cela pourrait prendre la forme d’une reconnaissance mutuelle de l’apport de chaque membre de l’équipe et surtout d’une vision commune.
La France vous parait-elle mieux ou moins bien placée que d’autres pays, en ce domaine des luttes contre les discriminations, notamment celles liées au sexe ?
Si l’on observe quelques chiffres (7) en ce qui concerne les inégalités, comme le souligne Edith Maruéjouls, cela laisse songeur, nous pouvons nous demander si un bon positionnement consiste à accepter que chaque citoyen puisse se défendre alors que le jeu est tronqué par des questions de moyens financiers ?
Ou octroyer « le droit » de porter plainte pour ensuite se faire entendre, alors qu’un procès peut mettre des années ? Est-ce uniquement par la force et la justice que nous pouvons agir sur les mœurs ou existe-t-il d’autres solutions ? Pouvons-nous réduire cette quête de compréhension mutuelle à une question de chiffres ? Car si tel est le cas, nous nous retrouvons face un problème administratif, ne serait-ce que les quotas du nombre de plaintes ou encore celui de la notation des établissements scolaires, qui incite donc à faire taire les dérives…
Il y aurait aussi beaucoup à dire dans l’éducation dès le primaire néanmoins: si l’on se compare à l’Inde ou le Maghreb sans doute somme-nous « bien » placés mais à l’égard de quels vecteurs ? Qu’est-ce que ce positionnement nous révèle-t-il ? Quels sont les indicateurs et que nous disent les chiffres ? Il faudrait également savoir en quoi consiste ce « bien », qu’est-ce que serait un bon positionnement ? À l’égard de quelle référence ? D’un idéal ? Quelle serait notre vision d’un bon positionnement et comment cela se vivrait au quotidien ?
Il y a une forte incompréhension sur nos objectifs alors que nous avons les ressources mais il y a encore beaucoup à comprendre de notre pays et de ce que ce dernier souhaite pour les années à venir, de par notre histoire riche tant au niveau des traditions que des valeurs, qui se retrouve en confrontation directe avec un passé plus récent et des enjeux contemporains: voir par exemple la polémique sur le mouvement « Me too » (8), il ne s’agit pas tant d’une guerre des sexes que d’une guerre des castes.
C’est de notre responsabilité personnelle dont il est question
Nous pouvons néanmoins constater que face à toutes ces questions relevant des luttes contre les discriminations, nous nous retrouvons en difficulté entre un discours qui souhaite des moyens et des mesures, encourageantes certes mais inefficaces car la question n’a été traitée que de façon superficielle et la confrontation entre le discours et une réalité concrète met à mal les mesures déployées.
Nous voyons bien qu’il est à la fois difficile de s’affirmer par notre passé, sans prendre le temps de le comprendre et encore plus difficile d’accepter les pluralités des discours ambiants comme révélateurs des différentes visions d’un même pays ; mais néanmoins c’est bien ce dernier qui conditionne les mœurs d’aujourd’hui.
Ainsi, nous pouvons le nier et recourir à « l’empreinte d’une domination culturelle multiséculaire » pour justifier certains de nos manquements (un peu comme les systèmes de managements évoqués plus haut) mais notre responsabilité est à mobiliser si nous souhaitons aller vers plus de compréhension. Avant d’être un devoir citoyen, c’est de notre responsabilité personnelle dont il est question. Car, pour l’instant, il y a une forme de déni de notre histoire et de nos idées, qui s’affirme par une explosion des inégalités. Cela peut s’expliquer par notre système, tant que par le discours ambiant qui nécessite d’être « repensé » afin de ne pas se perdre dans des considérations superficielles.
S’interroger sur ses valeurs, notre vision de la France pour l’avenir, interroger nos objectifs et voir en quoi ils se distinguent d’autres pays, quelles sont nos spécificités, comment pensons-nous en France ? Quel est notre passé, quels sont nos mœurs ? Cela demande donc de déceler les paradigmes qui les sous-tendent afin d’appréhender une solution pouvant s’imprégner dans notre quotidien et s’insérant progressivement dans notre histoire.
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(1) Natalia Tikhonov Sigrist, « Les femmes et l’université en France, 1860-1914 », Histoire de l’éducation, 122 | 2009, 53-70.
(3) Alain Garcia, « Utiliser les théories de Bourdieu sur l’École », Éducation et socialisation [Online], 37 | 2015, Online since 01 March 2015, connection on 06 November 2018. URL : http://journals.openedition.org/edso/1191 ; DOI : 10.4000/edso.1191 -Top of page
(4) Il est ici question de l’échec français, de la révolution féminine, au lieu de s’émanciper la femme s’est illustrée comme objet voir : Jacques Saliba, « Eva Illouz, Pourquoi l’amour fait mal. L’expérience amoureuse dans la modernité », Terrains/Théories [Online], 2 | 2015, Online since 23 October 2014, connection on 06 November 2018. URL : http://journals.openedition.org/teth/318 -Top of page
Références bibliographiques proposées par Agathe Vidal :
Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les Héritiers, les éditions de minuit Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La reproduction, les éditions de minuit Pierre Bourdieu, la Distinction, les éditions de minuit Émile Durkheim, L’évolution pédagogique en France, PUF Émile Durkheim, Éducation et sociologie, PUF Jacques Le Goff, les intellectuels au Moyen Âge, points seuil Emmanuel Levinas, Éthique et infini, Livre de poche Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, point seuil Nathalie Heinich, États de femme, l’identité féminine dans la fiction occidentale, tel Gallimard Simone de Beauvoir, Mémoire d’une jeune fille rangée, Folio Eva Illouz, Pourquoi l’amour fait mal, point essais Eva Illouz, Les sentiments du capitalisme, Seuil
-Données démographiques sur les départements de philosophie en France
Nous avons rencontré à ce sujet Agathe Vidal, qui nous a fait le plaisir de nous partager son parcours atypique, faisant preuve d’une volonté constante d’expérimenter et de faire vivre la philosophie dans des lieux où on ne l’attend pas. Elle enseigne la philosophie auprès de multiples publics et a pour objectif de croiser tout types de savoirs, plaçant la philosophie au service des individus et des problèmes concrets auxquels ils sont confrontés.
La Pause Philo : Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a menée vers la philosophie ?
Agathe Vidal : Je pense que la philosophie c’est venu très jeune, tout simplement par les interrogations infantiles sur le monde, et aussi peut-être parce que je m’ennuyais en cours, et que j’avais besoin un peu de nourrir mon esprit. J’ai donc commencé à lire Descartes, Freud… À l’adolescence j’écrivais des réflexions conceptuelles, plein de petits exercices, qui m’ont amené à écrire un premier roman à 13 ans. Et, bien sûr, il y a eu Le monde de Sophie, qui apporte son lot de réponses et m’a permis de découvrir tous ces auteurs. Je me suis rendue compte que ces lectures donnaient beaucoup plus de sens au savoir qui nous était enseigné à l’école, et dont je ne voyais alors pas totalement l’utilité.
« J‘étais autodidacte, je lisais beaucoup, mais je n’arrivais pas à me résoudre à l’idée de ne pas avoir de diplôme, de rester sur le carreau au niveau du savoir »
Depuis petite j’avais le rêve de venir à Paris, donc à 18 ans, après des études de stylisme, j’ai tout planté pour m’y rendre. J’ai pris le premier travail que j’ai trouvé, j’étais vendeuse dans une boutique de vêtements. C’est à 24 ans que j’ai décidé de passer une équivalence : j’étais autodidacte, je lisais beaucoup, mais je n’arrivais pas à me résoudre à l’idée de ne pas avoir de diplôme, de rester sur le carreau au niveau du savoir, il y avait quelque chose qui brûlait… Je suis tombée sur un professeur, François Chouquet, qui au premier devoir m’a dit « Mais t’as déjà fait de la philo toi ? ». Moi qui n’en avait jamais fait au lycée, parce que j’ai eu un parcours professionnel, et qui ai plus travaillé qu’autre chose, je me suis dit que, finalement, j’allais pouvoir faire des études de philo !
J’ai donc commencé ma licence à 25 ans à la Sorbonne, à Paris IV, tout en travaillant à côté. C’est à partir de là que j’ai eu envie de mettre en avant un savoir pluridisciplinaire, ce qui n’existait pas encore vraiment en France. Je suis donc allée à Paris 8, une université très ouverte sur l’interdisciplinarité et j’ai fait ma licence sur le concept d’auto-exclusion, avec une approche psychanalytique, philosophique et littéraire.
J’ai enseigné la philosophie durant un an dans le cadre du Genépi, une association qui œuvre dans le milieu carcéral. La situation fait que ce sont des gens qui ont un niveau de formation au maximum au brevet, il y a donc une vraie contrainte pédagogique pour se faire comprendre et transmettre malgré les problèmes de langue et de compréhension, qui cachent une vraie quête de savoir chez ces personnes. Je suis arrivée au Génépi car j’avais fait un travail sur l’enseignement en milieu carcéral sous forme d’interviews. C’est une structure dans laquelle on est très bien encadré, au niveau des réunions, des chiffres, avec une grosse formation et un grand travail de sensibilisation pour que l’on puisse bien comprendre le système judiciaire.
« Cette force, cette conviction d’avoir son mot à dire joue énormément dans l’essence même de l’individu »
J’ai donc fait des ateliers au centre carcéral de Meaux, avec des gens qui ont des peines moyennes de 5 à 10 ans. J’avais une à deux heures par semaine où j’enseignais en binôme. Mon binôme était au départ plus tenté de faire des cours magistraux, mais on était si souvent confronté à des interrogations, des envies de donner son point de vue et au besoin de se faire entendre, que nous avons été amenés à réadapter les ateliers. C’est magnifique parce qu’on voit vraiment cette parole qui se délie, même si à côté de ça il y a également une sorte de résignation. Mais cette force, cette conviction d’avoir son mot à dire joue énormément dans l’essence même de l’individu, que ce soit dans son estime de lui-même que dans sa situation sociale. C’étaient des peines longues et seuls deux détenus sont partis durant l’année. Chez le premier on a pu voir une affirmation, une conviction, une envie de faire quelque chose de sa vie, d’aller de l’avant, tandis que l’autre était plus dans la résignation, estimant qu’il avait déjà tout perdu, et que ce lieu là c’est sa vie, et les gens qui étaient autour de lui ces dernières années sont maintenant sa famille, car il n’a plus de famille, il n’a plus personne.
Ensuite, je me suis également occupée de cours particuliers d’enfants avec des problèmes soit scolaires, soit qui étaient neuro-atypiques, surdoués, etc.
« Les méthodes d’enseignement à l’américaine font appel à une posture pédagogique où l’élève est mis au centre, c’est vraiment une autre approche. »
J’ai ensuite eu l’opportunité d’avoir une bourse pour enseigner au Connecticut, ce qui m’a permis de découvrir la méthode de travail américaine : en ce qui concerne la transmission du savoir et les outils d’analyse des textes, c’est nécessairement moins approfondi qu’une étude philologique, néanmoins cela permet un accès au savoir très intéressant quand on traite de plusieurs concepts, ou de plusieurs approches sur un même concept. Aussi, cela m’a formée à des méthodes d’enseignement à l’américaine, basées sur des techniques d’animation. C’est intéressant car ça fait appel à une posture pédagogique où l’élève est mis au centre, c’est vraiment une autre approche.
C’est à mon retour donc des Etats-Unis que j’ai commencé à enseigner en lycée général puis en professionnel. Les problématiques étaient vraiment différentes concernant l’acquisition de la langue. Comme ils ne sont pas habitués à réfléchir, il y a tout cet apprentissage de la pensée qui est assez long. Il y a aussi des barrières à surmonter, dans les milieux où le débat n’est pas présent à la maison il est ensuite difficile d’y participer en classe. C’est avant tout une question d’habitude.
LPP : Vous proposez un enseignement la philosophie auprès de publics qui en temps normal n’y ont pas accès. Vous développez également différentes méthodes d’intervention et d’accompagnement en entreprise. Pouvez-vous nous en parler et expliquer comment vous est venue l’idée ?
A.V. : J’ai développé de multiples projets, menés en parallèle. J’ai écrit un livre, Se manquer, qui m’a amenée à faire des conférences, des lectures, et à toucher encore d’autres publics. Ce livre est plutôt une initiation à la philosophie, il invite à s’interroger, à s’approprier la réflexion, toujours avec cette approche pluridisciplinaire. J’ai eu des retours très intéressants sur cette lecture qui nous remet en question, aussi bien de la part d’hommes que de femmes. Au départ, je pensais que ça allait plus concerner une catégorie de femmes, mais finalement les hommes se sont révélés très curieux de savoir ce qui se passe de notre côté !
J’ai créé Philo And Co en 2015, en parallèle de l’enseignement, mais c’est une idée que je tenais directement de mes élèves, qui m’avaient demandé des ateliers de philosophie. On se voyait une semaine sur deux, ou sur trois (même s’ils étaient prêts à en faire toutes les semaines), le samedi ou bien le dimanche pour ces ateliers, en plus des heures de cours dans la semaine. Au fur et à mesure, on s’est aperçu qu’il y avait aussi des adultes que ça intéressait, qui nous demandaient quand serait notre prochaine soirée. On retrouvait aussi chez eux cette quête du savoir, d’interroger le monde.
L’année dernière, j’ai créé l’Institut Cogito, où je fais des formations et donne des outils pour les professionnels en entreprise, en mobilisant tous les savoirs qui existent pour s’adapter au mieux à une situation donnée. Je propose aussi des accompagnements et l’organisation d’événements. Pour les ateliers, je pars des problématiques des entreprises, des équipes, pour amener un débat et essayer de faire avancer cette réflexion, en confrontant les paradigmes de chacun afin de mieux se comprendre.
« Dans l’enseignement professionnel, les jeunes ont un besoin de réflexion global sur des questions précises qui se posent dans leur quotidien, parce qu’ils sont confrontés très jeunes à des thématiques comme la mort, l’euthanasie, le soin… »
Enfin, il y a eu un appel à projet par le lycée pour lequel je travaille actuellement, où j’ai crée un programme d’ateliers de philosophie en fonction des thématiques et des besoins de l’ordre de la cognition sociale, avec une méthodologie spécifique pour l’acquisition des savoirs. J’ai porté un projet allant au-delà de ces ateliers : j’avais envie aussi d’interroger le parcours professionnel de ces jeunes, car ils ont vraiment un cadre de vie spécifique, ils ont très tôt des responsabilités à côté des cours au sein de leurs stages. Ils ont donc un besoin de réflexion global, et non pas uniquement sur des concepts généraux comme la liberté, la morale, mais sur des questions plus précises qui se posent dans leur quotidien, parce qu’ils sont confrontés très jeunes à des thématiques comme la mort, l’euthanasie, le soin… Tout ce planning thématique a d’abord été défini avec l’équipe pédagogique.
« L’idée est vraiment d’interroger tous les savoirs, les savoir-faire académiques, mais aussi les savoir-être, en apprenant à se connaître, à respecter l’autre. »
Ensuite, en pratique, j’ai été très surprise de la demande de savoir, de lire les textes de Kant, de Platon, la demande d’explications précises sur des sujets bioéthiques ou autres. C’est là que j’ai commencé à développer toute une palettes d’outils, à travailler plus sur des textes (au départ ils étaient censés ne pas avoir de note, si ce n’est une note de participation). À travers cette expérience, c’est également là que mes enseignements aux Etats-Unis m’ont aidé à leur construire plusieurs outils, notamment grâce aux travaux de Carl Rogers, avec des cours de français, de linguistique, afin de clarifier le plus finement possible les idées, avec des méthodes portant sur l’argumentation, le questionnement, en parallèles d’outils plus philosophiques et de thématiques spécifiques.
Enfin, ils ont aussi un parcours libre où ils peuvent choisir des thématiques, avec un travail rédactionnel. L’idée est vraiment d’interroger tous les savoirs, les savoir-faire académiques qui ne sont pas utilisés d’habitude, mais aussi les savoir-être, parce que ça consiste aussi tout simplement à apprendre à se connaître, à respecter l’autre. C’est aussi développer l’autonomie de sa propre pensée, savoir pourquoi on pense comme ça, être capable de se servir de l’actualité pour faire des liens avec le monde philosophique.
LPP : L’enseignement de la philosophie semble avoir beaucoup évolué ces dernières années et de nouvelles pratiques ne cessent de se développer. Ressentez-vous un changement, une ouverture ? Quels sont vos futurs projets pour continuer cette démarche de mise à portée de tous de la philosophie ?
A.V. : Il faut distinguer la philosophie en lycée, telle qu’elle est enseignée et remise en cause actuellement avec les différentes réformes, de la discussion philosophique, qui a certainement été améliorée grâce à plein de personnes différentes et de mouvements. Je m’étais déjà intéressée à tout ce qui était développement personnel il y a une quinzaine d’années, car ça existait déjà au Etats-Unis, et la philosophie en France prend désormais également cette forme. Mais du coup, il reste le problème de l’accès au savoir. La philosophie est un savoir, une grille de compréhension du monde, et elle doit être replacée dans un cadre, dans une vision. Quoiqu’il en soit, de plus en plus de personnes y ont accès, et j’espère que ça va devenir intergénérationnel.
Seulement, concrètement je vois surtout qu’avant on enseignait aussi de la philosophie en droit, en médecine, etc. Il y avait également de la philosophie en initiation parfois dès la seconde, mais qu’à présent la forme a changé, de même que dans d’autres structures. La question serait finalement de savoir ce qui reste de la philosophie telle qu’on la conçoit.
« À partir du moment où on commence à écrire, à parler, la philosophie apporte du sens pour apprendre à construire un discours, mais également pour donner du sens à tous les autres savoirs enseignés. »
Avec la réforme du bac, ce qui est en train d’être fait est une section Humanités, visant à englober la philosophie avec la littérature, notamment. Je suis d’accord sur le fait que trois heures par semaine en filière scientifique c’est beaucoup (lorsque que l’on préfère réviser ses matières à plus haut coefficient), mais c’est peu pour quelqu’un qui n’a jamais fait de philosophie auparavant : en réalité ça devrait être enseigné dès la maternelle ! À partir du moment où on commence à écrire, à parler, la philosophie apporte du sens pour apprendre à construire un discours, mais également pour donner du sens à tous les autres savoirs enseignés. Tout ça pour moi fait partie des savoirs fondamentaux. La question de son positionnement est encore en débat, toujours est-il que la philosophie est segmentée de la partie scientifique, alors que les S ont grandement besoin d’elle, ne serait-ce que pour situer dans l’histoire des idées les savoirs qu’ils apprennent par ailleurs en sciences, en physique, en maths… La question qui se pose ici est avant tout celle de la signification qu’on donne à la philosophie !
« La philosophie est la mère de toutes les sciences : si on prend l’exemple des mathématiques, avec lesquels on nous bassine depuis la maternelle, qu’est-ce que c’est finalement si ce n’est de la philosophie, de la logique, un modèle de raisonnement ? »
En ce qui concerne les cours de philosophie dans les lycées professionnels, je souhaite continuer à mettre de la philo là où elle n’y est pas à travers un nouveau projet, le Collège des Savoirs, en l’enseignant dans les collèges, les lycées, les CFA, chez les Compagnons du devoir… Je pense aussi que mon expérience au Génépi m’a montré les résultats d’une telle démarche et le côté indispensable de pouvoir partager et transmettre. Une fois qu’on a entamé cette démarche, le reste du savoir et de la compréhension suivent. Le Collège des Savoirs a pour mission de promouvoir la philosophie le plus possible, d’améliorer la formation des élèves tant au niveau des savoir-faire que des savoir-être. Ce serait porté par une méthodologie élaborée avec l’équipe pédagogique sur place, à partir de la spécificité des filières, des établissements et des problématiques proches de ces groupes, avec en parallèle de la philosophie et de la philologie, pour donner une autre forme de perception des savoirs grâce à des outils simples. La philosophie est la mère de toutes les sciences : si on prend l’exemple des mathématiques, avec lesquels on nous bassine depuis la maternelle, qu’est-ce que c’est finalement si ce n’est de la philosophie, de la logique, un modèle de raisonnement ? Le français, la linguistique, la syntaxe, ce sont des moyens de compréhension d’une phrase, de la structure d’une pensée. L’histoire aussi ne se lit qu’avec la philosophie. Je ne vois pas où la philosophie n’est pas !
Dans cette perspective, j’ai le projet de passer l’AESS (Agrégation de l’enseignement secondaire du supérieur) l’année prochaine, ce qui fait partie d’intégrante du développement de la démarche du Collège des Savoirs.
Pour le Collège du Savoir, nous sommes surtout soutenus par les élèves : je veux vraiment les remercier, car c’est grâce à eux qu’on s’améliore sans cesse ! J’espère que ce projet sera diffusé au maximum, qu’il pourra être en partenariat avec toutes les associations de professeurs et d’enseignement qui travaillent en parallèle sur ce questions, j’espère que nous pourrons être solidaires. Et enfin, j’espère que les parents se sentiront également concernés par ces questions là : tout le monde est touché par la philosophie !